L’artiste capricieux

Dr Nesrine Choucri Dimanche 27 Mai 2018-14:11:43 Shéhérazade raconte
L’artiste capricieux
L’artiste capricieux

Shéhérazade raconte tous les soirs des histoires au roi. Des histoires qu'elle a regroupées du fond de l'Egypte, mais qui sont riches en morale. Aujourd'hui, elle raconte l'histoire de l’artiste capricieux.

Il était une fois un jeune artiste très célèbre pour ses tableaux éblouissants. Les rois et les richissimes le sollicitaient pour avoir un tableau peint de sa griffe. Ils lui payaient des fortunes et des trésors. Il n’acceptait pas tout le temps. Parfois, il refusait de le faire malgré la tentation de l’argent par caprice.

A. ne peignait que ce qu’il aimait et ce qui lui plaisait, à part cela, il trouvait que dans ce monde rien n’est obligatoire. Quand quelqu’un lui disait « il faut », il répétait d’un air insouciant : « mais pourquoi le faut-il ? » Son insouciance lui donnait davantage de charme. S’ajoutent à cela son air mystérieux, ses fugues nocturnes, ses tableaux parfaits, sa touche inédite. Il formait à lui seul un univers mystérieux que tout le monde souhaitait découvrir. La nuit, alors que tout le monde dormait, il veillait dans son atelier pour tracer avec ses couleurs et ses formes une vraie vie, une vie différente surtout pas « monotone », ni «routinière». Comme d’habitude, il ne s’intéressait à rien. On disait qu’il était devenu ainsi à force de perdre ses bien-aimés. Les rumeurs disaient qu’il avait enterré tous les membres de sa famille. Vérité ou mythe, nul ne le savait. Mais, une chose est sûre: il n’y avait autour de lui aucune personne. Nul. Un soir, alors qu’il était en train de peindre une de ses toiles, une jeune femme aux cheveux bouclés passait sous son balcon. C’était une vendeuse de fleurs. A. n’était jamais tombé amoureux. Des femmes, il en connaissait par centaines, voire même milliers. Des amours passagers et sans lendemain. Des histoires pour passer son temps et voyager dans l’univers des femmes. La vendeuse de fleurs s’approcha de son balcon et commença à chanter un petit air de musique sur la beauté des fleurs. Un air de musique qui paraît à A. très parfumé et ensorcelant. Il se pencha de son balcon pour acheter une ou deux roses quand leurs regards se croisèrent. Là, son cœur a vibré. Lui dont le cœur n’a jamais vibré avant. Il a cherché à lui fuir, à disparaître, il ne voulait en aucun cas être auprès de cette femme qui le charmait telle une magicienne. Son charme perçait son cœur et envahissait son âme. Il l’a inconsciemment invitée à monter chez lui pour acheter quelques roses. A son arrivée, il lui a proposé de l’eau et du pain en signe d’amitié, a-t-il dit. La jeune femme s’est installée sur un petit tabouret. Pendant que le jeune artiste est allé chercher le pain et l’eau, elle a commencé à se balader dans l’atelier y mettant de l’ordre. A son retour de la cuisine, A. semblait choqué de voir le lieu si bien arrangé. Ses traits de visage qui en général ne traduisaient rien ont révélé tout de suite ses sentiments. La vendeuse de fleurs ne savait si cet étonnement était dû à la joie ou à la colère. Elle a paru incapable de réagir et intimidée par ses regards. A. s’est vite rendu compte, cherchant à la rassurer lui expliquant que son geste était « louable ». Alors que la jeune fille prenait ce plat d’amitié, A. pensait. Puis, il a pris la décision : « Accepteriez-vous de travailler avec moi ? De devenir mon assistante ? » « Ton assistante ! » s’est exclamée la jeune femme. « Que vais-je faire ? » a-t-elle ajouté. Il a répondu : « Vous allez m’aider à entretenir le lieu, mélanger les couleurs, recevoir les clients ». Appauvrie, la jeune vendeuse de fleurs a accepté l’offre, elle n’avait pas d’autres choix. Elle passait des jours à faire le tour des villages et des villes pour gagner quelques sous. Elle n’avait ni famille, ni parent. L’offre lui paraissait raisonnable. L’artiste et la vendeuse de fleurs cohabitèrent ensemble, l’artiste a connu une période de prospérité et de réussite. La jeune femme était un allié qui calmait son esprit, attisait son imagination et aérait son cerveau. Sa présence était agréable, mais A. ne se souciait pas d’elle. Elle était là et c’est tout. La vendeuse, elle, s’attachait à lui de jour en jour. Il le remarquait et devant son attachement, il manifestait la plus grande froideur au monde. Une froideur aussi glaciale que celle des montagnes.

Un jour, la jeune n’en pouvait plus. Son amour, sa passion et son intérêt n’étaient  pas assez pour attirer son attention. Dans sa déprime, elle s’est retirée et s’est en allée. Le jeune artiste l’a beau chercher, elle était introuvable. Cœur brisé, il ne dormait plus et il devint malade. Rien ne le délivrait de sa souffrance. Il regrettait son insouciance, sa légèreté, et sa froideur, mais c’était trop tard. La vendeuse de fleurs ne revint jamais. A. a arrêté de peindre ses tableaux pendant des mois. Puis, un soir, il a eu la force de reprendre son ouvrage. Ses tableaux, cette fois-ci, étaient encore plus splendides, plus sublimes, plus humains. Et, la vendeuse de fleurs y figurait partout. Elle l’avait obsédé. Après avoir peint une énorme toile de sa bien-aimée, il posa sa plume et son corps enfin se reposa. Un repos éternel. C’est que l’amour peut bien briser des cœurs et des vies.

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